Dr Benjamin Moulin, dernière mise à jour août 2023

Les études scientifiques sur l’embolisation de la prostate: quels résultats, quelle efficacité ?

Avec l’âge, la prostate a tendance à gonfler et augmenter de volume, c’est l’adénome de prostate. L’embolisation est une technique de traitement qui consiste à boucher les artères de la prostate afin de la ramollir et de diminuer son volume. Le point fort de cette technique est son abord par les artères ce qui évite les désagréments sur le plan sexuel et urinaires. De nombreuses études, y compris des essais randomisés prospectif (étude de haut niveau de preuve) se sont intéressées aux résultats de l’embolisation des artères prostatiques. Cet article propose de faire le point sur les résultats de l’embolisation tant sur le plan des effets urinaires que des effets sexuels (à propos des éventuels effets indésirables et de la sécurité de l’embolisation, vous pouvez aussi lire l’article ici

Avec l'âge, la prostate a tendance à devenir gonflée

Etudes scientifiques sur l’embolisation de la prostate : quel est le taux de réussite ?

Le taux de réussite technique, c’est-à-dire la possibilité d’aller dans les artères de la prostate et de les boucher est proche de 100% [1].

Le taux de réussite clinique, c’est-à-dire une amélioration notable des symptômes est de l’ordre de 85% à un an [1]. Ces résultats sont néanmoins très variables, notamment selon le degré d’expérience de l’opérateur, et les critères de sélection des patients. Chez des patients bien sélectionnés, selon les critères de bonne réponse à l’embolisation, et lorsque celle-ci est pratiquée par un opérateur expérimenté, le taux de succès peut encore augmenté, de l’ordre de 90 à 95% des patients.

[1] Cornelis FH, et al (2020) CIRSE Standards of Practice on Prostatic Artery Embolisation. Cardiovasc Intervent Radiol 43:176–185

Embolisation de la prostate, quelle efficacité pour améliorer les symptômes de l’adénome de la prostate?

Les résultats d’une méta-analyse (regroupement de plusieurs études pour améliorer la fiabilité de l’estimation) et d’un essai randomisé contre placebo sont présentés ci-dessous. Les symptômes subjectifs (ressentis par le patient), les évaluations métriques (volume, débit etc…) et les résultats sur l’érection sont présentés.

Embolisation de la prostate: amélioration des symptômes urinaires subjectifs

Il s’agit là des symptômes cliniques reportés par les patients, relatifs à l’hypertrophie de la prostate. Le score IPSS (International Prostate Symptom Score) est  un questionnaire spécifique composé de 7 questions pour l’évaluation de l’adénome de prostate, qui donne une note finale entre 0 et 35. Plus le score est élevé, plus la gêne est importante. Le score de qualité de vie (QoL pour quality of Life) est une évaluation par le patient du retentissement de sa maladie prostatique sur sa vie en général. Il va de 0 (très satisfait) à 6 (très ennuyé).

Ces deux scores sont utilisés en pratique courante et dans les études pour estimer l’amélioration urinaires d’un traitement, tel que ressenti par le patient.

Résultats de la méta-analyse (regroupement de plusieurs études pour augmenter la fiabilité de l’analyse) de Malling and al [2], après 1 an de suivi : Amélioration en moyenne du score IPSS de 16.2 points, et du score de qualité de vie de 3 points.

Résultats de l’essai-randomisé en aveugle embolisation de la prostate contre procédure placebo à 6 mois (par Pisco and al [3]) : Diminution de 17.1 points du score IPSS et 3 points du score de la qualité de vie.

[2] Malling B et al (2019) Prostate artery embolisation for benign prostatic hyperplasia: a systematic review and meta-analysis. Eur Radiol 29:287–298.

[3] Pisco JM et al (2020) Randomised Clinical Trial of Prostatic Artery Embolisation Versus a Sham Procedure for Benign Prostatic Hyperplasia. European Urology 77:354–362.

Embolisation de la prostate: diminution du volume de la prostate et effet sur le débit d’urine (débimétrie)

Une autre manière d’évaluer les résultats d’un traitement de l’adénome prostatique est de s’intéresser aux paramètres morphologiques, débimétriques, échographiques et biologiques. On peut notamment citer le volume de la prostate, la mesure du débit maximal lorsque le patient urine (celui-ci peut être mesuré de façon précise à l’aide d’une débitmètrie), la mesure d’un éventuel résidu post-mictionnel (volume d’urine restant dans la vessie malgré la miction, témoignant d’une vidange incomplète), ou la mesure du PSA.

Là encore, toutes les études montrent une efficacité de l’embolisation sur ces paramètres.

Résultats de la méta-analyse de Malling and al [2], après 1 an de suivi : baisse de volume de 20.3cc (26%), augmentation du débit urinaire (Qmax +6.5mL/s), diminution du résidu post-mictionnel (PVR -86.6ml), diminution du PSA (-1.4ng/ml).

Résultats de l’essai-randomisé en aveugle embolisation de la prostate contre procédure placebo à 6 mois (par Pisco and al [3]) : baisse du volume prostatique (-27.7%), augmentation du débit urinaire (Qmax, + 5.96ml/s), diminution du résidu post-mictionnel (PVR +59.9ml).

 

[2] Malling B et al (2019) Prostate artery embolisation for benign prostatic hyperplasia: a systematic review and meta-analysis. Eur Radiol 29:287–298.

[3] Pisco JM et al (2020) Randomised Clinical Trial of Prostatic Artery Embolisation Versus a Sham Procedure for Benign Prostatic Hyperplasia. European Urology 77:354–362.

Embolisation de la prostate: les résultats sur l’érection [1]

Les résultats sont très rassurants sur l’absence d’effet négatif de l’embolisation sur l’érection. Certaines études décrivent une amélioration de la qualité de l’érection (score IEEF) après une embolisation, et d’autres non. Un effet positif sur l’érection semble envisageable, même si les mécanismes ne sont pas encore complétement élucidés, et des études supplémentaires sont nécessaires pour répondre à la question définitivement. En aucun cas l’embolisation ne doit être un traitement des troubles de l’érection en absence d’adénome prostatique.

 

Références:

[1] Cornelis and al. CIRSE Standards of Practice on Prostatic Artery Embolisation. Cardio Vascular and Iterventional Radiology, 2020 Feb;43(2):176-185.

Embolisation de la prostate: les résultats sur l’éjaculation

La perte de l’éjaculation (appelée éjaculation rétrograde) est un effet indésirable très fréquent après chirurgie de l’adénome prostatique, y compris avec les techniques modernes comme le laser Holep. A l’inverse, l’embolisation permet une conservation fréquente de l’éjaculation.

Deux essai randomisé ont comparé les résultats entre chirurgie et embolisation sur le plan de l’éjaculation:

  • Dans l’étude de Abt [1],  le taux d’anéjaculation après embolisation était de 16% après embolisation, contre 52 % après TURP.
  • Dans l’étude d’Insausti [2] qui a également comparé embolisation et TURP, le taux de dysfonction éjaculatoire était de respectivement de 4% dans le groupe embolisation contre 41% dans le groupe chirurgie.

Références:

[1] Abt and al. 2021 Prostatic Artery Embolisation Versus Transurethral Resection of the Prostate for Benign Prostatic Hyperplasia: 2-yr Outcomes
of a Randomised, Open-label, Single-centre Trial. European Urology2021 Jul;80(1):34-42.

[2] Insausti and al. Randomized Comparison of Prostatic Artery Embolization versus Transurethral Resection of the Prostate for Treatment of Benign Prostatic Hyperplasia. Journal of Vascular and Interventional Radiology, 2020 Jun;31(6):882-890

Quels sont les résultats des études comparant l’embolisation de la prostate avec un traitement médical (Xatral et Finasteride)?

Une étude [4] récemment publiée dans la revue Lancet a prouvé que l’embolisation des artères prostatiques permet d’obtenir une plus grande amélioration des symptômes urinaires qu’un traitement par l’association d’un alpha-bloquant (Xatral) et d’un inhibiteur de la 5alpha reductase (Finasteride). Après 9 mois de traitement, l’amélioration des signes urinaires était de 10 points dans le groupe embolisation, alors qu’elle était seulement de 5.7 points dans le groupe traité par médicaments.

De plus, les patients du groupe traité par embolisation avaient une amélioration des troubles de l’érection (8.2 points sur l’échelle IIEF-15) alors que ceux du groupe traité par traitement médical avaient une aggravation (2.8 points en moyenne). Aucun effet indésirable sévère n’a été reporté.

Enfin, le taux de traitement radical secondaire par chirurgie était nettement plus élevé dans le groupe sous traitement médical (18/43=42%) que dans le groupe embolisation (5/44=11%).

Ces résultats montrent donc une nette supériorité de l’embolisation sur le traitement médical, à la fois sur les symptômes urinaires, sur les troubles de l’érection, et sur le taux de chirurgie secondaire. L’embolisation s’avère donc une option de traitement particulièrement intéressante chez les hommes encore relativement jeune (entre 50 et 70 ans), avec un désir de conservation d’une activité sexuelle normale.

 

[4] Sapoval M et al (2023) Prostatic artery embolisation versus medical treatment in patients with benign prostatic hyperplasia (PARTEM): a randomised, multicentre, open-label, phase 3, superiority trial. The Lancet Regional Health – Europe 31:100672.

Etude sur l’embolisation de la prostate, quels sont les facteurs de réussite retrouvés?

Plusieurs facteurs peuvent avoir une influence sur les résultats de l’embolisation des artères prostatiques

Le volume de la prostate: supérieur à 40 grammes

Le volume de la prostate est le principal facteur prédictif de réussite d’une embolisation de la prostate. Si le volume est inférieur à 40 grammes, les résultats sont souvent moins bons. A l’inverse, l’embolisation est une excellente option pour les patients avec une prostate de gros volume (supérieur à 80 grammes), pour lesquelles les techniques chirurgicales sont soit invasives (chirurgie ouverte), soit challengeantes (résection laser Holep). Le caractère mini-invasif de l’embolisation prend tout son sens dans ces indications.

L’anatomie vasculaire des patients

Certains patients ont des artères très tortueuses, ce qui peut rendre la progression du cathéter difficile jusqu’au niveau des artères de la prostate. Ces patients pour lesquels le cathétérisme des artères prostatiques est difficile expliquent sans doute la faible proportion d’échec de traitement par embolisation (autour de 10%).

L’état de la vessie

Dans certaines situation d’évolution d’un adénome depuis de nombreuses années, la vessie peut être très endommagées et avoir des difficultés à se contracter lors de l’émission des urines. La vessie peut par exemple avoir des diverticules qui sont des dilatations focale de sa paroi. Elle peut aussi avoir des difficultés à se contracter (vessie hypoactive).

Dans ces cas là, l’effet de l’embolisation peut être diminué par rapport à une situation normale.

Un bilan urodynamique avec mesure de l’activité musculaire du Detrusor (muscle de la vessie) et du débit urinaire peut permettre une meilleure compréhension de l’atteinte de la vessie si celle-ci est présente.

Etudes sur l’embolisation de la prostate: quels sont les résultats à long terme ?

L’embolisation de la prostate est une intervention ayant démontré son efficacité sur une période de 2 ans après l’intervention. Les résultats à plus long terme commencent à être connus. Une étude récente de 1072 patients traités par embolisation avec période de suivi prolongé est sortie récemment [5]. Les résultats montrent une persistance de l’effet dans le temps. Dans cette étude, après 5 ans de suivi, 9.5% des patients ont subi une re-embolisation, et 11.6% une chirurgie.  Ceci s’explique par le fait que l’adénome se régénère avec le temps. Le taux de ré-intervention après embolisation semble un peu supérieur à celui de la chirurgie standard (8% de ré-intervention après chirurgie par TURP à 5 ans).

Ceci fait discuter la place de l’embolisation dans la prise en charge de l’adénome de la prostate. Etant donné son caractère peu invasif, et la quasi-absence de séquelles notamment sur le plan sexuel, l’embolisation doit sans doute être vue comme une alternative au traitement médical de l’adénome de la prostate, qui peut éventuellement être répétée en cas de récidive symptomatique, sans fermer la porte à l’option chirurgicale.

[5] Bilhim T et al (2022) Long-Term Outcome of Prostatic Artery Embolization for Patients with Benign Prostatic Hyperplasia: Single-Centre Retrospective Study in 1072 Patients Over a 10-Year Period. Cardiovasc Intervent Radiol 45:1324–1336. 

Etude sur l’embolisation de la prostate: est-ce que l’embolisation peut traiter le cancer de la prostate ?

Beaucoup de traitements mini-invasifs (HIFU, cryothérapie) ont été développés ces dernières années pour le traitement du cancer de la prostate. Certaines études se sont intéressées à un éventuel rôle du traitement par embolisation et ont montré des résultats intéressants.

Principe

Le principe reste le même que lors d’une embolisation avec injection de billes dans les artères de la prostate, pouvant éventuellement être accompagné d’une chimiothérapie.

Quelles sont les indications?

A ce jour, il n’y a donc aucune indication validée à pratiquer une embolisation pour traiter un cancer de la prostate, en dehors de protocoles de recherche clinique très spécifiques.

Y’a-t-il des études en cours ou déjà effectuées?

Il ne s’agit pour l’instant que d’études expérimentales, et les résultats ne sont pas exploitables en pratique courante. Une étude du CHU de Nîmes menée entre autre par le Pr Julien Frandon a montré la faisabilité d’un traitement par embolisation des cancers peu agressifs (grade de Gleason 6). D’autres études sont en cours pour savoir s’il pourrait y avoir une place de l’embolisation en complément d’une « surveillance active » des cancers de la prostate.

L’efficacité de l’embolisation pour le traitement du cancer de la prostate reste encore à démontrer.

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